Article paru dans la « Solothurner Zeitung » du samedi 30 mars 2024
(Traduit de l’allemand par Pierre-Alain Marioni)
La mort d'un enfant ne concerne pas que les parents
Matthias Wälti, président nouvellement élu d'une association d'entraide, sur la réalité, les rituels et le retour à la vie quotidienne.
Daniela Deck
Soudain, le monde de Matthias Wälti s'est effondré. Début décembre 2012, sa fille Kathrin est décédée d'une hémorragie cérébrale. Elle avait dix ans. C'était la deuxième de ses trois filles. « Aussi grand que fut le choc, il était important pour moi de faire face à cette terrible réalité.et de faire participer la société » se souvient le citoyen de Soleure.
Sa voix est calme, sa personnalité est tournée vers la discussion. Il continue de surmonter cette perte aujourd'hui. Pour aider d'autres parents à traverser cette épreuve, il a récemment pris la présidence de l'association Arc-en-ciel Suisse - Association d'entraide de parents en deuil de leur enfant.
Les pères ont-ils peur de leurs sentiments ?
Pour Matthias Wälti, faire participer à la perte signifiait : l'annonce du décès dans le journal, la collaboration avec l'école Hermesbühl pour laisser la tristesse et la douleur de la classe s'exprimer, la collaboration avec le chœur de jeunes filles dans lequel Kathrin chantait, avec l'école de jour et la crèche Lorenzen qu'elle avait fréquentée étant petite. Ceux qui le souhaitaient pouvaient venir faire leurs adieux devant le cercueil ouvert dans la salle de recueillement. Beaucoup de gens sont venus, également pour l'enterrement.
Trois mois après le décès de Kathrin, Matthias Wälti a participé pour la première fois au groupe d'entraide local de l'association Arc-en-ciel. Il a pris place parmi des mères. Où étaient les pères ? Avaient-ils peur de laisser leurs sentiments s'exprimer ? Ou ont-ils fait leur deuil d'une autre manière ? "Je suis reconnaissant d'avoir pu pleurer sans retenue pendant la phase aiguë du deuil" se souvient le père.
Matthias Wälti a pu constater avec sa femme combien le processus de deuil peut se dérouler différemment. Ce n'est que des mois plus tard qu'elle a ressenti le besoin de rejoindre le groupe d'entraide. "Ce qui est important avec Arc-en-ciel, c'est qu'on n'a pas d’obligation de participer", dit Matthias Wälti. La société fait de tout un commerce, même de la mort. En même temps, elle ne laisse ni place ni temps au deuil. En tant qu'entrepreneur possédant sa propre menuiserie, il est confronté quotidiennement à la réalité trépidante. "Contre cette impitoyabilité, Arc-en-ciel offre un espace protégé".
Faire une pause en toute connaissance de cause
Le père a constaté avec étonnement que, malgré le choc, il fonctionnait au quotidien. C'est pourquoi il a pris la décision consciente de faire une pause de six mois dans ses engagements sociaux et politiques au sein du conseil des citoyens et du PLR. "C'est ce qui a été communiqué, et j'ai pu reprendre mes fonctions après", raconte-t-il. "Après la phase de deuil aigu, certains quittent le groupe d'entraide. C'est tout à fait normal", poursuit-il. "Pour d'autres, le groupe, c'est le seul endroit où le souvenir est autorisé". Ce sont justement ces membres expérimentés qui soutiennent les parents lors du premier choc.
Matthias Wälti reprend la présidence de l'association après une vacance et les revers de la pandémie. L'organisation compte 350 à 400 membres ou participants dans toute la Suisse, répartis dans une trentaine de groupes locaux. A Zurich, il existe un groupe pour les frères et sœurs et il existe différents groupes pour la perte d'un enfant pendant la grossesse ou par suicide. Il n'y a pas de limite d'âge supérieure. Les personnes qui ont perdu un enfant à l'âge adulte sont également les bienvenues dans les groupes. "Je prends le temps de voyager et de rencontrer les groupes locaux. Chaque groupe a sa propre dynamique et doit être mis en valeur", explique le président fraîchement élu. Il souhaite encourager la mise en réseau avec d'autres organisations d'entraide. En tant que directeur d'une coopérative de construction de logements et grâce à la reconstruction de l'association des commerçants de Zuchwil, il dispose d'une grande expérience en matière d'organisation. Et pour Matthias Wälti, il est essentiel de faire connaître l'association Arc-en-ciel. Premièrement, pour que les parents endeuillés puissent y accéder. Deuxièmement, l'association a besoin de dons pour déployer ses effets. "Heureusement, j'ai un vice-président efficace qui est romand", se réjouit-il.
Grâce à son histoire, Matthias Wälti a appris que beaucoup plus de personnes sont touchées par la mort d'un enfant qu'il ne le pensait auparavant. D'où sa conviction : "Ce thème touche directement ou indirectement l'ensemble de la société". C'est pourquoi il est important, selon lui, d'en parler.
Les rituels apportent un soutien
"Comment dire aux gens combien j’ai d'enfants ?", demande Matthias Wälti. La fille aînée avait 12 ans au moment du décès de Kathrin, la plus jeune 8 ans. "Si, après avoir mentionné l'aînée et la cadette, on me demande s'il y a un autre enfant, je sais que la personne en face est ouverte à l'idée d'entendre parler de Kathrin et de sa courte vie", raconte Matthias Wälti. "J'ai trois enfants, mais l'un d'eux ne vit plus sur cette terre".
Une à deux fois par semaine, Matthias Wälti se rend au cimetière. Les rituels sont importants dans le processus de deuil. Ainsi, la famille fait ses adieux à Kathrin au cimetière avant les vacances. Les étapes de l'année ecclésiastique apportent un soutien aux parents, en particulier l'espoir de la résurrection à travers la fête de Pâques qui a lieu ce week-end.
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